Si je mourais là-bas...
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace Couvrirait de mon sang le monde tout entier La mer les monts les vals et l'étoile qui passe Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses Je rougirais le bout de tes jolis seins roses Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde Donnerait au soleil plus de vive clarté Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde Un amour inouï descendrait sur le monde L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie - Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur - Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
30 janv. 1915, Nîmes.
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Jean Ferrat en a fait une chanson. |
La Loreley
À Bacharach il y avait une sorcière blonde Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l'évêque la fit citer D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté
Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries De quel magicien tiens-tu ta sorcelerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé
Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège
Mon amant est parti pour un pays lointain Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla
L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances Menez jusqu'au couvent cette femme en démence
Vat-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblant Tu seras une nonne vétue de noir et blanc
Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre la Loreley les implorait, ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut Pour voir une fois encore mon beau château
Pour me mirer une fois encore dans le feuve Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
Là haut le vent tordait ses cheveux déroulés Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout là bas sur le Rhin s'en vient une nacelle Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
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